Cette page vise à répondre les questions que l’on se pose en entrant en lettres: qu’est-ce que l’on y fait, à quoi ça sert, comment ça se passe à l’Université et plus spécifiquement en philosophie ? Si tu as encore des questions après avoir lu cette page, n’hésite pas à envoyer un mail à phileas@unige.ch !
Généralités sur la Faculté des lettres
Les deux disciplines du bachelor
Lorsque vous entrez en lettres à Genève, on vous demande de choisir deux disciplines (d’égale valeur) pour votre bachelor. Vous pouvez ainsi conjuguer histoire et archéologie, japonais et philosophie, latin et français, etc. Il s’agit d’une spécificité des Lettres; dans les autres facultés, vous entrez dans un cursus prédéfini et vous obtenez un bachelor dans une seule matière. Vous devrez également choisir, durant votre bachelor, une troisième discipline (BA15) hors de vos deux disciplines dans laquelle vous suivrez un ou deux cours pour compléter votre bachelor (ex. vous êtes en français et histoire et vous choisissez de suivre un cours en archéologie comme BA15).
Les 15 modules et les crédits
Le curieux acronyme que vous venez de lire, BA15, désigne simplement le numéro du module que vous choisissez. En effet, une fois inscrit dans vos deux disciplines, vous devrez suivre 7 modules par discipline (soit un total de 14 modules, plus le BA15 pour obtenir un bachelor). Bien que les modules possèdent des numéros (BA1, BA4,…), vous n’êtes pas toujours contraint de les faire dans l’ordre, c’est le cas en philosophie. Cependant, certaines disciplines exigent des prérequis (ex. avoir réussi le BA1 et 2 pour suivre le BA3), aussi est-il conseillé de se renseigner grâce au plan d’étude de votre discipline – que vous trouverez ici pour la philo. Lorsque vous réussissez un module, vous obtenez 12 crédits ECTS, c’est avec ces crédits que fonctionne le système dit « de Bologne ». Notez qu’il existe des demi-modules qui vous conféreront 6 crédits ECTS en cas de réussite. Comme vous vous en doutez, vous devez obtenir la note minimale de 4 à (ou aux) examen(s) requis dans chaque module afin de les réussir (voir les questions fréquentes sur les examens); vous devez aussi impérativement effectuer les attestations (des travaux sans note mais évalués) en rapport avec ces modules.
Les types de cours
Ces 15 modules que vous devrez effectuer durant votre bachelor se divisent eux-mêmes en cours. Un module (ou un demi-module) contient plusieurs cours unifiés autour de la thématique du module – ainsi dans le demi-module « introduction à la logique » (BA2a), chaque cours sera centré autour de la logique et vous préparera à l’examen de fin d’année. Dans votre cursus vous serez confrontés à trois types de cours. Premièrement, les cours ex cathedra ou cours généraux (ou encore CR). Comme dans l’images d’Epinal de l’Université, un-e professeur professe des choses très profondes dans un immense auditoire. Cette forme d’enseignement, bien qu’assez répandue dans les autres Facultés, est particulièrement rare en lettres où l’on privilégie les séminaires. Les séminaires (SE) sont des cours « plus intimes » qui se font généralement en petits groupes; le professeur interagit avec ses étudiants [les termes comme « étudiants », « professeurs », « philosophes » sont à prendre au sens générique, aussi bien féminin que masculin] approfondissant ce qui a été dit en cours ex cathedra et proposant, sur le moment, quelques exercices. Les travaux pratiques (TP) sont destinés, quant à eux, à la correction d’exercices et à l’analyse plus fine d’une discussion abordée en séminaire ou en cours.
L’accès aux ordinateurs de l’UNIGE
Sur le bulletin de versement de votre taxe universitaire se trouve votre nom d’utilisateur et votre mot de passe pour accéder aux ordinateurs de l’Université. Ce code vous permet également d’accéder au Portail où vous trouverez vos résultats d’examens et les documents attestant que vous suivez des études en lettres – utile pour les allocations d’études. Ce site vous permet également de vous inscrire à vos cours et à vos examens. Vous posséderez également une adresse e-mail UNIGE à laquelle vous accédez avec le même code ici. N’oubliez pas de consulter régulièrement cette adresse. Vous pourrez aussi vous abonner à certains flux pour être tenus au courant des activités proposées en philosophie – voir ici.
Inscription aux cours et aux examens
Comme dernier conseil pratique, voici une indication sur la manière de vous inscrire à vos cours et à vos examens. Vous l’aurez compris en lettres le parcours de chaque étudiant est unique, il a deux branches qui lui sont propres, des modules qu’il peut choisir librement (si ceux-ci n’exigent pas de prérequis) ainsi que des examens propres à chaque cours au sein de ces modules. Aussi l’inscription aux cours est-elle toujours un petit peu plus complexe qu’ailleurs. Sur le Portail, vous trouverez un onglet « cours/examens ». Au début de l’année, vous avez deux ou trois semaines pour vous inscrire aux cours dans lesquels vous souhaitez passer un examen. L’information précise vous parviendra par votre boîte mail UNIGE. Par la suite, quelques semaines avant la fin des cours, vous devrez vous inscrire aux examens que vous souhaiterez passer et ce pour chaque semestre. Attention, ne vous inscrivez à un contrôle continu qu’au semestre où vous terminez votre cours – si votre cours porte sur deux semestres, il ne faut pas s’inscrire au premier semestre. Vous pouvez également passer des examens en août/septembre, dans quel cas, il vous suffit d’attendre un mail de l’université informant les étudiants qu’ils peuvent s’y inscrire sur le Portail. En cas de petits problèmes, vous pouvez écrire à votre professeur, cependant ce dernier vous renverra souvent vers nous; gagnez du temps, écrivez nous: aephiloATgmail.com. En cas de problèmes plus importants, rien ne vaut un entretien avec la conseillère aux études.
La philosophie à Genève
Ça c’est pour les généralités concernant la Faculté. Passons à présent à la philosophie : quel type de travail nous demande-t-on en philosophie ? Il y a, bien sûr, quelques travaux rébarbatifs comme les contrôles continus, mais le cœur des travaux de l’étudiant en philosophie sont les dissertations (ou essais), les travaux de recherche et les oraux.
La dissertation philosophique
Ne confondez pas le terme « dissertation » tel qu’employé en philosophie et le même terme employé en littérature française ou au Gymnase/Collège/Lycée. Dans une dissertation de philosophie on vous posera (« en classe », à l’Université on dit « sur table ») une ou deux questions précises en lien avec ce que vous avez vu en cours, à vous de répondre à ces questions en expliquant les notions que vous avez apprises. Vous devrez être capable d’argumenter vos propres positions sur un sujet donné. Il faut insister sur ce point: contrairement à la dissertation de français, vous ne devez pas tenter de deviner ce que le professeur attend de vous, vous ne devez pas non plus écrire dans un style mystique ou « élevé », plus votre vocabulaire sera simple (et limité, le synonyme est l’ennemi du philosophe), plus votre raisonnement sera limpide, plus vous serez assuré d’obtenir une bonne note. On n’exige pas non plus de vous que vous sachiez par cœur la pensée de tel ou tel philosophe, la citation est réduite à son strict minimum, il est fréquent d’obtenir 6 sans avoir écrit un seul nom propre.
Les travaux de recherches
Le travail de recherche est un travail similaire bien que de plus grande envergure. Face à une (ou plusieurs) question(s) philosophique(s) ou à une thématique que vous aurez vous-même choisie (en accord avec le professeur), vous devrez effectuer des recherches pour exposer les problèmes que ce(s) question(s) soulève(nt) et proposer des pistes pour une réponse. Le travail fait généralement entre 5 et 12 pages. Ce type d’exercice correspond (toutes proportions gardées) à ce qu’un chercheur en philosophie doit effectuer comme travail. La différence majeure entre la dissertation et le travail de recherche, à part la précision plus grande de ce dernier, est la consultation de sources. En effet, il vous faudra prendre en compte la recherche en cours, inutile d’inventer trente fois le rasoir d’Occam. Ne soyez pas surpris si vous ne consultez que rarement des livres, et pratiquement jamais de gros bouquins poussiéreux, dans la plupart de vos recherches on vous dirigera vers des articles contemporains, même en philosophie antique. Pour plus d’informations sur la manière de trouver des sources, voir nos pages comment faire une bonne attestation et outils de recherche.
Les oraux
On attend d’un chercheur en philosophie qu’il sache exposer sa thèse de manière claire et concise; pour lui l’oral est une occasion de boucler son travail ou de le peaufiner en le soutenant devant autrui. Dans ce type d’exercice, les séances de questions s’avèrent parfois sanglantes pour les chercheurs, mais un professeur saura toujours évaluer son étudiants à son juste niveau. On ne répétera jamais assez l’importance essentielle des conférences de philosophie pour la recherche – et de l’oral pour les étudiants. C’est pourquoi, il est vivement indiqué de se rendre aux conférences organisées par PhilEAs – cf. les infos sur les anciennes conférences, les infos sur les futures conférences. De même que la soutenance est importante pour un chercheur, elle est importante pour l’étudiant. C’est pourquoi un travail de recherche s’accompagnera presque systématiquement d’une soutenance orale. A noter que même si votre recherche n’est « qu’une attestation », les professeurs se réservent le droit de vous poser des questions sur celle-ci durant votre orale quand bien même vous auriez déjà obtenu votre attestation.
La philo à Genève et la philo dans le monde
Ne soyez pas non plus surpris si vous ne rencontrez aucun cours du style « Hegel et la transcendance de la volonté ». À l’Université de Genève, on ne s’intéresse pas aux hommes mais aux concepts – cf. notre page « Qu’est-ce que la philo ? » La question qu’un philosophe genevois se pose la plupart du temps n’est pas « Qu’est-ce que Heidegger pense du couple émotions/valeurs ? » mais « Quels sont les bons arguments au sujet de la relation émotions/valeurs ? » Une conséquence importante de cette méthode est qu’il vous arrivera rarement d’interpréter un texte, en particulier s’il est contemporain. En revanche, vous pourrez évaluer des arguments – on pourra vous entendre dire : « L’argument de Dennett est inattaquable », « Nietzsche se contredit » ou « Ce que dit Sartre, c’est du blabla ! » Il s’agit de la façon de faire standard dans la quasi-totalité de l’Occident et surtout dans les pays anglo-saxons. Les pays du Vieux-Continent, et en particulier la France, ont une approche plus littéraire de la philosophie. Pour plus d’informations, visitez notre page « Continental vs analytique ».
Quel est l’utilité de la philosophie, quels sont les débouchés ?
Passons à présent à la question de l’utilité de la philosophie. Si nous étions en France, il serait difficile de déterminer à quoi servent Luc Ferry et BHL ; par bonheur, la philosophie à Genève peut répondre à cette question avec facilité. Comme nous l’avons vu, la philosophie s’intéresse aux concepts (et leurs interactions). Si nous allons regarder du côté de la biologie, il existe une foule de concepts susceptibles de poser problèmes aux chercheurs. Ainsi, le concept d’espèce qu’emploient volontiers les biologistes, n’est plus, depuis Darwin, aussi clair et immuable que ne le prétend la définition d’Aristote – Aristote avait tort. Le philosophe, en tant que « professionnel des concepts », peut collaborer avec les chercheurs pour éclaircir cette notion. Par « collaborer », il ne faut pas s’imaginer une bande de lettreux expliquer aux scientifiques ce qu’ils doivent faire ; les philosophes ne s’emparent pas d’un travail qui revient aux biologistes. En effet, ce qui intéresse les chercheurs de cette discipline est de tester empiriquement un certain nombre de prévisions; le concept d’espèce est simplement un outil dont ils se servent pour obtenir des résultats, comme le joueur d’échec qui utilise les règles du jeu pour mieux parvenir à son but. Bien entendu, le biologiste peut – c’est même une bonne chose – réfléchir sur cette notion d’espèce, seulement ce n’est pas là le but premier du biologiste. Les philosophes, forts des interrogations des biologistes, dégagent ces questions et permettent, à terme, d’améliorer la recherche grâce à une utilisation plus fines des concepts. Bien sûr, ce qui est vrai pour la biologie est vrai pour toutes les sciences empiriques, y compris les sciences sociales, ou pour les disciplines non-empiriques comme les mathématiques.
Une autre utilité de la philosophie, telle qu’elle est pratiquée à Genève, est la suivante : le philosophe est un spécialiste de la bonne argumentation. Un peu comme l’avocat, il sait déceler les problèmes dans un argument, mais contrairement à certains avocats, le philosophe se concentre sur la validité logique de l’argument et non sur d’éventuelles failles psychologiques – voir notre section sur les sophismes. Cette compétence est éminemment utile en politique, lors de votations entre autre. C’est aussi ce que l’on attend d’un journaliste, en plus d’être clair et concis. Enfin, savoir transmettre l’art de reconnaître et de formuler un bon argument, c’est ce que l’on attend de l’enseignant. On note pour ces trois domaines une importance prépondérante de l’expression. Le nombre important des oraux en philosophie permet de préparer les étudiants à être de bons « speakers ».
Comme tout étudiant en Lettres, l’étudiant en philosophie est également un as de la gestion du travail, de la rédaction et, comme nous venons de le voir, de la présentation orale. Vous serez surpris de constater que nombre de vos amis non-lettreux seront admiratifs de la facilité avec laquelle vous constituerez une recherche ou un article. Même si d’autres facultés sont tout aussi compétentes dans ce domaine (p. ex. SES), l’étudiant en philosophie peut mettre cet atout en avant s’il veut postuler comme cadre dans une entreprise.
Ajoutez à cela quelques domaines « réservés » comme l’éthique (qui, en collaboration avec la recherche médicale, donne la bioéthique), l’histoire de la philosophie et la métaphysique (qui est à la philosophie ce que la recherche fondamentale est à la physique), on se rend compte que l’utilité de la philosophie dépasse de loin la simple histoire des idées que vous avez pu voir au gymnase/collège/lycée. En complément, vous trouverez ici un article de la Tribune de Genève sur les débouchés en philosophie.
Il y a cependant des domaines pour lesquelles la philosophie est inutile. Elle ne permet pas de découvrir la signification de la vie (peut-être qu’elle peut nous dire des choses concernant les arguments sur l’existence de Dieu ou sur la définition de la vie bonne, mais pas au-delà; de toute manière il y a déjà une réponse très simple à la signification de la vie), elle ne nous aide pas à avoir confiance en nous (enfin, autant que la biologie aide les biologistes à avoir confiance en eux), à nous sentir heureux, en harmonie avec la nature, bref la philosophie est une discipline aussi terre-à-terre que le sont les mathématiques ou le latin. En Angleterre, les parents d’un étudiant qui réussit sa philosophie considèrent qu’il est sur une voie royale (surtout pour devenir cadre) ; sur le continent, la première question que les parents, inquiets, presque paniqués, se posent est: « Y a-t-il des débouchés ? ». Qu’ils soient rassurés, à Genève, la philosophie est la discipline des Lettres qui comprend le plus de doctorants et certains étudiants finissent cadres. Les mentalités sont en train de changer.
Bienvenue à l’Université !